samedi 27 novembre 2010

Chapitre VIV: Anger In Action



CHAPITRE VIV

ANGER IN ACTION

(la colère en action)

***


POV EDWARD

[28/ I Gaer – Sigur Ros]


A cette heure la salle de sport était vide. Il faisait nuit maintenant derrière ces grandes vitres souillées par la crasse de la ville, pas étonnant avec ces usines en face et les pots d'échappements des voitures circulant dans un flux continu en bas.

L'homme qui dirigeait cet endroit, un afro-américain d'une cinquantaine dont on pouvait dire qu'il avait été très charpenté et bien bâti plus jeune, était assez compréhensif pour me laisser rester ici après l'heure de fermeture. Il me connaissait depuis plusieurs années maintenant, sans pour autant que nous soyons proches. Je ne connaissais pas son prénom et il ne connaissait pas le mien. Il faisait partie de ces personnes que l'on croise en souriant parce qu'il arrive souvent que nos chemins de recoupent.

En me voyant arriver en fin d'après-midi, il avait sûrement remarqué les tensions qui secouaient mon corps. Celles qui me tordaient les tripes depuis une semaine maintenant. Depuis une semaine, tous les jours cet homme me souriait et nous finissions toujours seul à seul dans cette salle immense, avec ses murs gris et son grand ring central.

Je ne savais pas depuis combien de temps je tapais sur ce sac de sable mais je savais qu'il m'offrait assez de résistance pour me défouler et m'épuiser. C'était le seul moyen que j'avais pour réussir à m'endormir quelques heures le soir venu. En général, je m'arrêtais quand le souffle me manquait et que mes points commençaient à s'incruster dans la toile de mes gants.

Je retardai de plus en plus le moment de rentrer à l'appartement. Devoir expliquer l'absence répétée de Bella avait été suffisamment éprouvant et je ne supportai plus leurs yeux inquiets et compatissants posés sur moi. Au lieu de m'apaiser, ils me mettaient en colère. Tout me mettait en colère depuis ce soir là. Tout. La gentillesse, la compassion, l'égoïsme, même la colère me mettait en colère. J'étais à fleur de peau, je ne supportais simplement plus aucune émotion. La nuit n'était même pas reposante, je rêvais d'elle constamment, parfois en bien et parfois en mal. Pourtant je savais qu'Alice, Jasper ou même Rose et Emmett n'étaient pas ceux que je devais blâmer de mon état, je ne pouvais m'en prendre qu'à me propre stupidité. A ma naïveté aussi peut-être.

Aussi, pour faire disparaître cette adrénaline destructive qui bouillonnait dans mes veines, je venais ici et frappais ce sac jusqu'à ce que mon corps me dise stop. Je n'étais pas spécialement sportif mais frapper quelque chose de lourd et puissant me vidait de toute force et je pouvais jouir de quelques instants d'apaisement par la suite. Quand ma propre sueur m'aveuglait, que j'étais incapable de déplier les doigts, que mes épaules me lançaient et que mes muscles brulaient sous ma peau, je décidais d'arrêter. Le sac ralentissait doucement et bientôt j'entendais à nouveau les sons de la vie quotidienne m'englober. Généralement à cette heure, le frottement du balai du gardien était le seul son présent.

Alors je ramassais mes affaires, le saluais poliment et je partais me doucher, l'eau chaude m'aidant à retrouver un semblant de faculté physique. C'était une pratique peut-être violente de frapper dans un sac jusqu'à s'en rompre les os parce que la colère vous rongeait de l'intérieur, mais je trouvais ça plus sein que de me noyer dans l'alcool pour oublier la douleur et le rejet.

Je laissai l'eau couler sur mes cheveux et inonder mon visage. Je restai en appui, les mains solidement encrées sur le mur opposé de la cabine. Là, je me forçai à respirer et j'essayai d'oublier la brûlure au fond de mon estomac. L'eau brûlante commençait à couler le long de mon cou, sur mon dos, m'entourant de sa chaleur et remplissant la pièce d'une épaisse vapeur. Mes muscles se ranimaient, mes articulations se détendaient et j'étais de nouveau maitre de moi même. Pour quelques heures au moins.

Demain serait une journée particulièrement difficile. J'allais devoir sauver mon année scolaire, tout en restant calme qui plus est. J'avais raté plusieurs cours cette semaine. On m'avait proposé de faire des heures supplémentaires au café et ma situation financière ne m'avait pas permise de refuser cette opportunité. En plus de ça, moins j'étais en cours et moins je risquais de tomber sur elle ...

Pourquoi tous les problèmes me tombaient sur le dos au même moment? Comme si je n'avais pas déjà assez de choses à régler !

***

J'arrivai sur le campus en début de matinée et me dirigeai rapidement vers l'administration. J'ignorai délibérément le connard qui hurlait dans mon dos parce que je m'étais garé juste devant le garage à vélo, l'empêchant ainsi de sortir. S'il défonçait ma portière, ça me ferait au moins autre chose sur quoi me faire les poings. Je devais rester concentré et calme, fixé sur mon objectif : ne pas rater mon année.

- Comment ça je suis recalé?! Hurlai-je sur l'intendante du bureau de l'université, en lui plaquant les résultats qu'elle m'avait posé sous les yeux. Il reste encore un semestre !

Quand ma main claqua sur le comptoir, la pauvre femme – un peu bedonnante avec une coupe courte bouclée et rebondie – sursauta et faillit ravaler son chewing-gum.

Un bon exemple de maîtrise de soit n'est-ce pas?

Je soupirai et essayai de me faire entendre autrement. Crier sur les gens ne résolvait jamais les problèmes.

- S'il vous plait, il y a bien quelque chose que je puisse faire pour ne pas perdre mon année? Donnez-moi une chance !
- Monsieur Cullen, vous avez été au rattrapage en fin d'année dernière. C'était déjà votre seconde chance.
- Je vous assure que je me démène pour joindre les deux bouts mais je ne suis pas un robot ! J'ai mes lacunes !
- En économie par exemple... Fit-elle remarquer en m'arrachant ma feuille de résultats des mains.
- C'est une option ! Je suis en littérature bon sang !
- C'est quand même noté. L'université sert aussi à diversifier vos centres d'intérêts Monsieur Cullen.
- Diversifier mon cul … Crachai-je entre mes dents.
- Je vous demande pardon?
- Rien … J'essaie, je vous assure.
- Ah bon? Vous avez pourtant raté six classes d'économie ce semestre. La plupart la semaine dernière en plus. Rétorquait-elle en pianotant sur son clavier, ses lunettes au bout du nez.
- J'ai dû faire des heures supplémentaires au boulot pour pouvoir manger, payer mon loyer et vos putains de frais de scolarité !
- Je vous pris de rester poli jeune homme. Gronda la mégère que j'avais devant les yeux.

La porte s'ouvrait derrière moi et, machinalement, je jetai un coup d'œil par dessus mon épaule pour voir devant qui j'allais débiter toutes les conneries qui composaient ma vie.

Quand mon regard croisa deux grands yeux chocolats, j'eus l'impression que mon cœur venait de m'être arraché de la poitrine et cette colère que je contrôlais déjà très mal, me brûlait encore une fois les veines.

- Le seul moyen de ne pas échouer cette année Monsieur Cullen, continuait la secrétaire pendant que je dévisageai toujours Bella, c'est d'obtenir un A à votre prochain partiel d'économie, à la fin de la semaine...

Voyant que je ne la regardais même pas, la femme s'impatienta.

- Est-ce qu'au moins je pourrais avoir votre attention?!

Lentement, je lui faisais face à nouveau. Sentir Bella derrière, ses yeux braqués sur moi, le souffle aussi court que le mien … C'était plus que je ne pouvais supporter.

- Et comment pensez-vous que je parvienne à faire ça? Lançai-je à l'intendante, avec le peu de sympathie qu'il me restait.
- Si j'étais vous, j'essaierais de trouver un autre étudiant pour me venir en aide.
- Merci du conseil … Lui lançai-je en lui arrachant de nouveau la feuille des mains, avant de partir.

Mon dieu, pour ne rien arranger, j'allais devoir la croiser. J'allais devoir sentir son parfum m'enivrer, impuissant et toujours aussi insignifiant à ses yeux... Alors je me concentrai sur la sortie. Mon issue de secours. Quand je la frôlai, je ne m'arrêtai pas et disparaissais le plus vite possible en poussant violemment la porte pour qu'elle n'entrave pas plus ma progression.

J'avais entendu sa voix, celle qui avait – malgré tous mes efforts – encore le pouvoir de me retourner l'estomac.

Elle m'avait appelé, elle avait simplement prononcé mon prénom. Sa voix s'était faite timide et tremblante, heureusement que je ne l'avais pas regarder dans les yeux car je savais que j'y aurais lu de la culpabilité et c'était la dernière chose dont j'avais besoin à cet instant. J'étais trop en colère pour ça.

Il me fallait de l'air. Je ne pouvais déjà plus respirer et ce parce que, malheureusement pour moi, j'étais encore plus en colère contre moi que contre Bella. Dieu seul savait que j'aurais voulu lui attribuer toute cette rancœur mais je ne pouvais plus me voiler la face dorénavant. Cette colère et cette violence venait du fait que je l'aimais toujours autant malgré tout et que, la réaction logique à son refus avait été de l'éviter et d'essayer de tourner la page, même si ça me rendait malade. C'était encore plus difficile de la sortir complètement de ma vie que de l'entendre me dire qu'elle ne voulait pas m'aimer en retour. J'avais l'impression d'avoir perdu une partie de moi. Comme si l'on me l'avait arraché violemment.

Alors si j'étais en colère c'était simplement parce que, sachant le danger que Bella représentait pour moi et ma santé mentale, je ne pouvais toujours pas me résoudre à l'oublier et à aller mieux.

J'aurais aimé qu'il existe un interrupteur pour ça.

***

POV BELLA

Comment en étais-je arrivé là? Comment étais-je passé de la victime qui essayait de remonter la pente à ce bourreau sans cœur qui blesse tous ceux qui lui portent intérêt? Ma vie était injuste et quelques soit mes choix, quelqu'un en souffrirait toujours. Aurait-il fallu que je vive en ermite depuis ce jour où je m'étais promise que plus personne ne réussirait à me mettre plus bas que terre? Me couper du monde n'était pas la solution, ça aurait été trop simple, il fallait seulement que j'accepte les conséquences qu'engendraient ce bouclier permanent que je mettais entre moi et le reste du monde. C'était la partie la plus difficile, car au final, je finissais toujours seule.

Après quelques jours de mise au point, où j'avais tant bien que mal essayé de persuader Jake, qu'il ne s'était (ou ne se passerait) jamais rien entre moi et Edward (ce qui en soi était déjà un mensonge), il était reparti à Forks pour quelques temps. Son départ n'avait pas été facile et je pouvais maintenant dire qu'il était méfiant et que toute sa confiance ne m'était plus accordée.

Après son départ j'avais ensuite tenté de recoller les morceaux avec Edward, échouant lamentablement bien sûr. Comme disait le proverbe : On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Cette histoire ne serait pas classée dans notre dossier « bizarreries », c'était maintenant la seule certitude que j'avais. Il refusait de me parler au téléphone et la seule fois, ce matin, où nous nous étions retrouvés face à face, il m'avait royalement ignoré. Je savais que je méritais ce traitement, mais ça ne rendait pas les choses plus faciles à vivre pour autant. Je ne voulais pas perdre son amitié, ça n'avait jamais été mon but, je savais qu'elle m'était maintenant indispensable mais lui la refusait. Edward voulait plus de moi, quelque chose qu'il m'était impossible de lui donner et pour des raisons évidentes.

Des raisons qu'il ignorait et que je lui avais délibérément caché. Je les avais caché à tout le monde. Ces raisons m'appartenaient et j'avais bien trop honte, même après toutes ces années, pour les dévoiler à qui que se soit. Malgré tout, depuis quelques mois, ce secret était de plus en plus lourd à porter. Aujourd'hui une chose était certaine, ce secret serait la seule chose qui pouvait m'aider a retrouver Edward. Il suffisait que je lui avoue et la situation serait tout autre. Comment pourrait-elle rester ainsi après cette révélation? La cause de toutes mes barrières, la raison de cette distance que je lui avais toujours imposée, celle qu'il avait évoqué il y a une semaine en m'avouant ses sentiments. Mais c'était trop dur et il était certainement bien trop tard maintenant pour parler de tout ça.

Je devais trouver une autre solution, même si je doutais fortement qu'il en existe une, pour regagner sa confiance et qu'il me donne une seconde chance. La dernière.

Jamais, il y a cinq ans, je n'aurais imaginé être dans cette position, celle du bourreau. Je reproduisais toutes les blessures qu'on m'avait infligé par le passé et une infime partie de moi me disait que ce n'était que justice. Seulement, à l'époque où j'avais été blessée et humiliée, je ne m'étais pas doutée que la justice avait finalement un goût très amer et qu'elle n'apaisait certainement pas les souffrances.

C'est encore bercée par toutes ces pensées chaotiques que j'arrivai devant chez Emmett et Rosalie. Je n'étais pas sortie de chez moi depuis trois jours et après l'épisode de ce matin, j'avais vraiment besoin de voir mes amis. En espérant qu'eux étaient toujours les miens. Mon premier choix en temps normal aurait été d'aller chez Edward mais évidement, ça aussi était proscrit maintenant. J'avais encore beaucoup d'affaires là bas et je n'avais aucune idée de comment les récupérer. La nuit dernière j'avais même rêvée qu'il les avait toutes brûlées.

Timidement et la boule au ventre, je frappai à la porte. J'avais peur du visage que je découvrirai quand celle-ci s'ouvrirait. Heureusement pour moi, c'est Alice qui m'accueillait. Son expression passa, en l'espace de trois secondes, de la surprise à la colère, puis à la joie. Honnêtement je ne savais déjà plus sur quel pied danser et elle non plus apparemment.

- Salut. Saluai-je timidement en attendant l'ouragan qui allait sûrement se déchainer sur moi.
- Tiens, votre visage me dit quelque chose mais … C'est étrange on se connait? Me lançait-elle en croisant les bras devant elle.
- Je vous rappelle sûrement une ancienne amie? Répondis-je honnêtement en espérant qu'elle me pardonnerait plus facilement que son frère.
- Ah oui, ça me revient maintenant. Une amie que j'ai saoulé le soir de la Saint- Valentin et qui a disparue ensuite.
- Je peux t'assurer qu'elle est toujours là quelque part. Répondis-je, pitoyablement.
- Quelque part? Et où ça exactement?

Je baissai les yeux en essayant de ravaler cette boule de douleur qui remontait subtilement jusqu'à ma gorge.

- Justement, ça j'en sais trop rien...
- Oh quelle idiote... Souffla Alice en m'attirant par le bras jusqu'à elle.

Je mis une seconde avant de réaliser qu'Alice m'avait enlacée et je l'entourai à mon tour pour apprécier la chaleur d'un contact amical. Le premier depuis plusieurs jours. Je n'avais donc pas perdu tout le monde finalement.

- Tu sais que je ne peux plus te torturer quand tu me fais tes yeux de Saint Bernard !
- C'est bon de te voir Alice, soufflai-je par dessus son épaule, désolée de t'avoir délaissée ces derniers temps.
- Excuses acceptées, me sourit-elle en me prenant par la main, viens entre. Il fait trop froid pour rester dehors.

Elle voulu m'entrainer à l'intérieur de la maison mais je résistai. Soucieuse, Alice me lançait un regard inquisiteur.

- Tu es sûre? Je peux?

Un instant elle ne comprit pas mes résistances puis, d'un seul coup, son visage s'assombrit et je savais qu'elle venait de comprendre.

- Il n'est pas là. Me répondit-elle simplement.

Je lui souris tristement avant d'accepter l'invitation.

La voix de suave de Chris Martin m'englobait à mesure que j'entrai dans le salon et que la chaleur de la maison me réchauffait.

[29/ Coldplay – We Never Changed]

- Regardez qui est là ! Chantonna Alice quand nous retrouvions les trois autres au salon.
- Hey mais c'est notre Bella nationale ! S'exclama Emmett. Tu tombes à pique, ce soir c'est lasagnes !
Je réalisai seulement maintenant que revoir leurs visages me faisait un bien fou.
- Bella? S'étonna Rose en arrivant de la cuisine.
- On a un couvert en plus pour ce soir je crois. L'informa Alice.
Rosalie marchait rapidement jusqu'à moi pour me serrer dans ses bras.
- Tu es toujours la bienvenue. Chuchota-t-elle à mon oreille.

Pour toute réponse, je resserrai mon étreinte autour d'elle. Elle m'invitait ensuite d'un geste à m'assoir sur le canapé avec les garçons. J'en profitai pour les saluer également.

Jasper me caressa amicalement le dos quand j'allais le serrer dans mes bras à son tour, il me souriait quand je reculai. C'était toujours très simple avec Jazz' de se sentir à l'aise. Il parvenait toujours, sans prononcer un seul mot, à me mettre à l'aise. Après avoir embrassé Emmett, je m'asseyais entre eux deux et Alice alla se placer sur le fauteuil d'en face.

Bazooka vint aussi me saluer et s'installant entre mes jambes. On pouvait voir, à ses grands yeux noirs larmoyants, que je n'avais besoin que d'un petit signe ou d'un mot pour qu'il saute sur le canapé, mais le regard inquisiteur d'Emmett à ma gauche l'en dissuadait. Les yeux de l'animal faisaient des vas et viens permanent entre nous deux et on le sentait instable sur ses pattes, avec son petit bout de queue qui frétillait. C'est trop tentant. Je faisais légèrement claquer ma main sur mon jean et le molosse me sautait directement dessus avec ses deux pattes avant. Vu sa taille, je me retrouvai juste en dessous sa mâchoire imposante et je pouvais le prendre complètement dans mes bras pour farfouiller dans sa douce fourrure. Un vrai nounours ! Son maître grogna à côté mais me laissa finir mon câlin avant de repousser son chien.

- Ce canapé est en cuir Bella. Je vous tolère déjà tous dessus alors n'abuse pas. Souffla-t-il ensuite.

Je me contentai de lui faire un sourire forcé qui força Jasper à détourner le visage pour ne pas qu'Emmett capte son sourire moqueur. Bizarrement une minute plus tard, je sentais toujours le regard inquisiteur d'Emmett posé sur moi.

- Quoi? Finis-je par balancer.
- Rien … Juste que … Tu as une mine affreuse.
- Merci c'est très gentil Emmett. Répondis-je sarcastique.
- Rooo, mais si je te dit ça c'est que je m'inquiète pour toi jeune fille si susceptible !

Après ça, il me ramenait à lui avec son gros bras mal habile et m'écrasait sur son torse pour me décoller le cuir chevelu avec ce qu'il appelait « le shampoing Emmett ».

- Arrête ça je t'en prie ! Criai-je en essayant de me débattre.

Mais il insistait encore et toujours si bien que je finissais par en rire. Immédiatement il me relâchait et me lançait un sourire radieux.

- Tu vois, j'ai réussi à t'arracher un sourire.
- Tu es une andouille ! Lançai-je souriante, essayant tant bien que mal de me recoiffer.

Comment lui en vouloir? Emmett Cullen venait de me jouer un tour psychologique et j'avais ri pour la première fois depuis une semaine. Il était adorablement lourd parfois... J'aurai aimé avoir un grand frère comme lui.

- Bien, c'est officiel ! Lança Rosalie en raccrochant le téléphone. Nous ne serons que cinq à table ce soir. Edward refuse de venir !
- Mais? Bouda Alice. Tu lui as dit que c'était notre dernier repas de famille avant deux semaines?
- Je n'ai eu le temps de rien dire ! Monsieur ne m'en a pas laissé l'occasion. C'est un vrai homme des cavernes quand il s'y met !

Je baissai les yeux, rouge de honte, sachant très bien sur quoi la conversation allait bientôt se tourner.

- Il faut vraiment que tu nous expliques pourquoi il est comme ça en ce moment, parce que ça fait une semaine qu'il se terre dans sa chambre. C'est à peine s'il nous adresse la parole.
- Et comment je le saurai? Tentai-je.
- Oh je t'en prie... Rétorqua Rose avec un petit sourire. Qu'est-ce qui s'est passé entre vous?
- C'est comme un pansement, arrache-le vite ! Me conseilla Jazz' à ma droite. Ou plutôt dans ce cas, parle vite et après ce sera fini !

Je secouai la tête et soupirai en sachant pertinemment qu'ils ne laisseraient pas celle-ci passer.

- C'est compliqué … Soufflai-je en évitant tous les regards.
- Compliqué? Répétait Emmett. Je ne vois vraiment pas pourquoi.
Je relevai les yeux vers lui et essayant de me préparer à sa vision des choses.
- Il t'aime et toi tu ne sais pas ce que tu veux. Lançait-il en haussant les épaules. Tu vois c'est simple.
- Emmett ! Gronda Rosalie.
- Bah quoi?! Répondit celui-ci.
- C'est si évident que ça... Répondis-je en détournant les yeux à nouveau.
- Allez ça suffit maintenant ! Laissez-la tranquille ! De toute façon, cela ne nous regarde pas ! On passe à table, les garçons, vous mettez le couvert ! Ordonna Rosalie et m'offrant quelques minutes de répit.

Je lui souriais en guise de remerciement et elle me faisait simplement un clin d'œil. Dépité, Jasper et Emmett se levèrent pour mettre le couvert et Alice en profitait pour me rejoindre sur le canapé. Au passage, Jazz' lui volait un baiser.

- Hey ! Je sais que vous êtes ensemble ok ! Hurla Emmett en se cachant les yeux. C'est pas pour ça que tu dois lécher le visage de ma sœur devant moi et dans ma maison qui plus est !
- Oh toi la ferme ! Rétorqua Alice en lui jetant des cacahuètes au visage, entourant son autre bras autour de mes épaules.
- Vous deux ne commencez pas ! Gronda une nouvelle fois la maîtresse de maison.

« - C'est lui/elle qu'à commencée ! » lancèrent-ils en chœur en s'accusant l'un et l'autre.

- C'est pas vrai, soupira Rosalie, vous avez quel âge?
- Emmett s'apprêtait à répliquer mais ...
- Je ne veux rien entendre ! Le coupa-t-elle. La table …

Emmett partit rejoindre Jasper dans la cuisine, en grommelant des mots incompréhensibles. Bazooka en profita pour lui aboyer dessus en restant toutefois au couvert de Rosalie.

- Oh toi … Fulmina Emmett contre le chien qui semblait le narguer dès que cela était possible.

Ce chien avait vraiment l'air humain parfois...

En regardant tout ce petit monde évoluer autour de moi, je me sentais légèrement soulagée, au moins pour quelques heures. Eux étaient toujours là.

- Bien maintenant qu'ils sont partis, commença Alice, comment tu te sens?
- Pas très bien. Avouai-je alors que Rosalie se joignait à nous, sa main retrouvant mon dos.
- Vous allez trouver une solution j'en suis certaine. Me sourit gentiment Rosalie.
- Rose ! Cria Jasper de la cuisine. Où sont les couverts?!
- C'est pas vrai … Soupira-t-elle avant de commencer à se lever.
- Attend j'y vais ! Lui sourit Alice, avant d'aller aider les garçons à la place de Rose.
- Merci de m'inviter Rosalie. Dis-je sincèrement.
- C'est rien, tu peux même dormir ici ce soir si tu veux. Tu dormiras avec Alice, elle sera ravie de te faire parler toute la nuit.
- Génial ! Lançai-je faussement sarcastique.

Cette idée me plaisait déjà. Je n'aurai pas à rentrer seule dans ma chambre d'étudiante morbide et vide de monde.

- Tu sais, continuait Rosalie, j'étais sérieuse … Vous trouverez une solution. M'assurait-elle.
- J'en sais rien … Il y a tellement de choses.
- Comme?
- Jacob pour commencer. Répondis-je du tac au tac.
Pourquoi tout le monde occultait cette partie?
- Oh Bella, soupira Rose en caressant mes cheveux. On sait bien toi et moi que ça n'est pas la vraie raison de tes résistances.

Mon estomac se noua. Avant même que je ne puisse dire quoi que se soit pour savoir ce que Rosalie insinuait par là, elle s'était levée pour aider les autres à mettre la table. Moi je restai hébétée sur la canapé, cherchant encore et encore le sens cachée de ces paroles qui m'avaient clouées sur place.

Plus tard nous passions à table et je n'eus plus l'occasion d'aborder le sujet avec Rosalie.

- Tu as dit tout à l'heure qu'il n'y aurait pas de repas de famille avant deux semaines? Lançai-je à Alice, la bouche pleine. C'est dommage vu ces magnifiques Lasagnes.
J'avalai avant de reprendre la parole.
- Bravo Rosalie.
- Elle te plaisent?
- Elles sont délicieuses. Lui assurai-je.
- Alors fais moi le plaisir de finir ton assiette, tu y a à peine touché.
« Grillée ! ».
- Pour répondre à ta question, commençait Alice, j'ai suivis ton conseil...
- C'est à dire?
- Jasper et moi allons à Forks à la fin de la semaine.
- On part samedi matin. Précisa celui-ci.
- Il faut que je parle à mes parents. Finissait Alice. Il est temps.
- Oh Alice …
Je la serrai contre moi.
- Je suis fière de toi. Soufflai-je.
- Il est tant de crever l'abcès n'est-ce pas?
- Et ensuite on s'occupera de cette agence merdique. Rétorqua Jasper.
- Oui et bien une chose à la fois d'accord. Laisse-moi déjà gérer mes parents après on verra...

Jasper lui souriait gentiment en l'embrassant sur le front sous les jurons d'Emmett, pour ne pas changer.

J'admirai Alice pour ce qu'elle s'apprêtait à faire. Je savais ce que ça représentait pour elle. Je savais que je n'avais pas autant de courage qu'elle. Cette pensée me hanta jusqu'à la fin du repas.

***

POV EDWARD

J'essayai désespérément de me concentrer sur mes cours d'économie. Ils étaient tous chez Emmett, le silence était de mon côté, c'était le moment de réviser. Il fallait absolument que je fasse remonter ma moyenne et que j'obtienne ce A. Assis sur mon lit, je me forçai à lire et à relire ces lignes et essayant d'en extraire le sens.

« La valeur d’échange d’un produit n’est pas fonction de son utilité, la preuve en est que des produits très utiles comme l’eau n’ont aucune valeur d’échange. C’est davantage la rareté qui détermine cette dernière. Si quelques marchandises sont naturellement limitées, la plupart ont leur volume en fonction du travail que l’on accepte de consacrer à leur production. Ainsi c’est donc bien le travail qui fait la valeur des marchandises. Ricardo précise que la différence de valeur entre deux biens qui ont nécessité une même quantité horaire de travail ... »

- Mon dieu, Tuez-moi ! Criai-je dans ma chambre en me frappant la tête avec le bouquin. Je ne vois pas l'utilité d'apprendre toutes ces conneries !

Je restai un moment allongé sur mon lit, les pages du livre me chatouillant le visage, comme pour voir si mon vœu allait être exhaussé.

- Lâcheur ! Crachai-je en levant les yeux au ciel, même si je n'étais pas spécialement croyant à la base. Allez Edward, tu peux le faire mon vieux ! Concentre-toi ! Tiens, pour une fois dans ta vie, prend des notes. Me conseillai-je à moi-même.

Je me saisissais de mon bloc note et commençai à faire glisser mon stylo sur le papier, mais celui-ci refusa d'écrire. Je me relevai en fulminant pour en trouver un sur mon bureau qui fonctionnerait encore. En ce moment j'avais l'impression que tous les éléments de la planète s'étaient retournés contre moi. Même ce vulgaire stylo bille.

J'en essayai plusieurs sans succès et finissais par balancer tous mes stylos et le mug dans lequel ils se trouvaient à travers la pièce. Celui-ci explosa en mille morceaux et là, j'admirai une fois de plus, las, les conséquences de mes écarts de conduite. Je n'avais définitivement pas assez boxé aujourd'hui.

Pestant contre moi-même, ramassant les morceaux de faïence sur le sol et les stylos éparpillés partout je tombai sur un morceau de papier replié en deux. Doucement et avec une certaine curiosité, je le dépliai pour le lire : « Julia 206-684-1489 ».

Je restai sans voix, fixant ce numéro de téléphone entre mes mains. Je ne l'avais jamais rappelé, même si je lui avais assuré le contraire. Je ne savais que trop bien ce qu'elle avait dû ressentir. Puis une autre évidence me sautait aux yeux : Julia était douée en économie, ses réponses « pertinentes » (selon le professeur Grant) pendant les cours me l'avaient très souvent démontré. Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt?

Je sortais mon téléphone de ma poche et composai son numéro.

- Julia, c'est Edward … Cullen. J'espère ne pas te déranger … Écoute, je sais que ça peut sembler soudain mais … J'aurai besoin d'un service.

***

POV BELLA

Alice et moi allions nous coucher. J'allai dormir avec elle pour la première fois, j'avais l'impression de me retrouver dans une pyjama party ! En y réfléchissant, c'était la première fois que je dormais avec une amie. Je n'avais jamais eu beaucoup d'amis plus jeune et jamais je n'avais passé la nuit chez quelqu'un d'autre, mis à part chez les Black. Il avait fallu que j'attende 21 ans pour ça. Comme quoi, tout arrive …

Cette chambre était décorée avec soin, pas étonnant qu'Alice s'y sentent bien. Tout, que se soit les meubles ou la décoration, y était agencé pour que l'on s'y relaxe. Les murs étaient vert-pomme mais contrastaient parfaitement avec la parure de lit marron et crème dans laquelle je me glissai. C'était un grand lit à baldaquin en bois brun sur lequel était tendu un voile or. Alice avait ajouté quelques bougies parfumées à son arrivée et la lumière était tamisée. Une vraie bulle de confort.

Mon amie se glissait à mes côtés et, un moment, nous fixions le plafond toutes les deux en silence. Jamais je n'aurai cru pouvoir me détendre ce soir.

- Merci … Soufflai-je.
- De quoi? Demanda Alice, surprise.
- D'être restée avec moi ce soir.
- C'est normal, et puis ça nous fait aussi du bien à Jazz' et moi de nous séparer un peu.

Le silence s'installa à nouveau avant que les évènements de la matinée ne me reviennent en mémoire.

- Tu aurais vu son visage ce matin Alice …

J'aurai voulu approfondir, mais les mots restèrent coincés dans ma gorge. Alice tourna lentement la tête vers moi et m'observa avant de prendre la parole.

- Je connais mon frère, s'il se referme ainsi c'est qu'il souffre.
- C'est censé me réconforter?
- Pourquoi c'est le cas?
- Bien sûr que non.
- Tu vois, ça te touche. C'est déjà ça.
- Où est-ce que tu veux en venir?
- Je veux dire que je trouve ça stupide que deux personnes qui sont attirées l'une par l'autre, voir plus … Souffrent chacune de leur côté pour les mêmes raisons. Vous devriez l'admettre une bonne fois pour toute et nous épargner tout ce suspens. C'est littéralement entrain de me tuer ! Je t'assure !
- C'est pas si simple … Souris-je.
- Pourquoi? A cause de Jake?
- Pas seulement mais c'est vrai que je suis avec lui.
- Je ne suis pas sûre que ta relation avec Jacob soit très épanouissante depuis quelques temps.
- C'est vrai mais au moins, elle est acquise. C'est du concret.
- C'est le pire des arguments du monde, tu t'en rend compte. Tu fais preuve de tellement de lucidité par rapport à ton couple que tu en oublies le côté émotionnel. Tu es un vrai robot !
- C'est parfois ce que je me dis aussi.
- C'est triste tu sais.
- Alice, soupirai-je, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour me protéger. Je ne suis pas tombée amoureuse qu'une fois dans ma vie et j'ai mis des années à me relever de cette relation, si on peut la qualifier de telle, c'est terminé. Je ne suis pas sûre de pouvoir survivre à un nouvel échec. J'en mourrai …
- C'est à ce point? Grimaça Alice. J'ai eu des tonnes de peines de cœur et je suis encore là. Me sourit-elle.
Je réfléchissais un instant.
- Je pense que certaines personnes ne sont faites que pour aimer une seule fois, d'autre non. Je fais partie de la première catégorie.
- Parce que tu le veux bien.
- J'ai essayé d'aimer à nouveau après ça mais …
Je soupirai avant de regarder mon amie dans les yeux.
- J'ai l'impression que quelque chose est cassé chez moi depuis. Comme si, j'avais une pierre à la place du cœur ou quelque chose comme ça. Je suis cassée Alice.
- Premièrement, tu n'as pas un cœur de pierre, sinon je ne serai pas là avec toi ce soir. Je pense pour ma part que, depuis plusieurs année, ton cœur est protégé par une coque de glace que tu refuses de laisser fondre parce que tu n'as aucune idée de comment gérer et réguler tes émotions.

C'était sûrement vrai...

- Et deuxièmement, tu viens d'admettre que tu n'aimais pas vraiment Jacob.
Je détournai les yeux.
- C'est faux, me défendis-je, j'ai un profond respect pour lui et c'est quelqu'un de bien, il ne mérite pas qu'on lui fasse un tel mal.
- Bella, tu es sa copine, pas son avocate ! Est-ce que tu l'aimes? C'est une question simple.
- J'en sais rien. Je ne veux pas le faire souffrir, c'est la seule chose que je sais. Je ne mérite pas quelqu'un d'aussi gentil...
- Donc tu préfères survivre toute ta vie pour lui permettre à lui de vivre? C'est très noble de ta part, mais je persiste à dire que c'est triste.
Je n'ajoutai rien.
- Et Edward?
- Quoi Edward?
- Tu as des sentiments pour mon frère?
Je ne répondais pas, me contentant de fixer le plafond.
- Je pense que oui, en conclut-elle, et ça t'effraie encore plus que de quitter Jacob.
- Pourquoi tout ne pouvais pas rester comme avant. C'était mon ami... C'était …
- Ouais, ton ami avec qui tu dormais et que tu as embrassé le soir de la Saint-Valentin. Me coupait-elle.
- Comment tu sais ça? Lançai-je en me retournant rapidement vers elle.
- Il m'en a parlé. Souffla simplement Alice. Ça l'a complètement chamboulé. C'est pour ça que vous ne vous parlez plus?
- Il m'a dit qu'il m'aimait … Chuchotai-je en jouant nerveusement avec les couvertures.
Alice grimaçait.
- Te connaissant, j'aurai cru que tu allais sauter de joie. M'étonnai-je.
- Et bien te connaissant, rétorqua Alice, et connaissant l'inadaptée sentimentale que tu es surtout, je ne pense pas que ça soit une très bonne chose non.
- Il y a autre chose … Edward attend des réponses de ma part que je ne suis prête à lui donner.
- Quel genre de réponses?
Je la regardai à nouveau avant de baisser les yeux.
- Quoi? Même à moi tu n'es pas prête à me les donner?
- Je sais ce que tu dois penser Alice. C'est horrible de ma part …
- A moi? Ton amie. Je t'ai confié tous mes secrets. Les plus lourds et sinistres de mon existence et on ne se connaissait même pas. Tu n'as pas confiance en moi? Demanda-t-elle visiblement déçue.
- Bien sûr que je te fais confiance Alice ! C'est juste que …
Je me taisais une seconde.
- Tu te souviens, un jour tu m'as dit que tu t'étais confiée à moi plus facilement justement parce que nous n'étions pas aussi proche toi et moi par rapport à ta famille. C'est la même chose ici.
Elle soupirait.
- Même si ça ne me plait pas de l'admettre. Je te comprend. M'avoua-t-elle.
- Je n'en ai jamais parler à personne à part à … Jacob. Mais simplement parce qu'il a été témoin de cette époque et qu'il m'a aidé à remonter la pente.
- J'espère simplement qu'un jour, tu auras assez confiance en moi pour m'en parler.
- J'espère qu'un jour je pourrai en parler tout simplement …
- Tu devrais appeler Edward pour lui expliquer tout ça Bella. Il ne doit rien comprendre, c'est encore pire pour lui. Il n'a aucun élément. Il est complètement perdu tu sais.

En plus de ma tristesse personnelle, la culpabilité me rongeait maintenant de l'intérieur.

- J'ai déjà essayé Alice. Il refuse de me parler.
- Et bien, essayes encore ! Vous ne pouvez pas rester comme ça. C'est trop dommage. Tout le monde peut voir qu'il y a quelque chose de spécial entre vous deux.
- J'ai juste envie de dormir. Soufflai-je en fermant les yeux pour retenir les larmes qui menaçaient de couler sur mon visage.
- D'accord. Promet moi juste de le faire.
- Je le ferai. Mais je ne te promet rien.

Ensuite Alice éteignit la lumière et s'endormait rapidement. Moi, mes yeux restaient grands ouverts.

***

POV EDWARD

Le lendemain matin très tôt, je rassemblai mes affaires pour aller retrouver Julia chez elle. D'après ses indications, elle n'habitait pas très loin de chez Emmett et Rosalie, ça ne devait pas être trop difficile à trouver.

Au moment où je m'apprêtai à quitter l'appartement, Jasper se levait.

- T'es bien matinal... Lança-t-il.
- Je vais rejoindre Julia. Elle va m'aider avec mon partiel d'éco.
- Sérieusement? Grimaça-t-il. Tu vas réviser avec la jeune et jolie Julia? Qu'est-ce que tu caches? Avoue !
- Je ne cache rien du tout Jazz', soupirai-je, et si tu veux tout savoir je n'ai pas trop le choix. Si je n'ai pas un A à cet examen, je perd mon année.
- Je ne savais pas. Me répondit-il confus. Je pouvais t'aider aussi tu sais.
- Je sais mais je ne voulais pas t'embarquer dans mes histoires. Je vais trouver une solution, ne t'inquiète pas. J'aurai un peu de retard pour le loyer ce mois ci. Mes heures supplémentaires ne seront payées que dans quinze jours. Je suis désolé.
- Hey, ça arrive à tout le monde Ed'. Ya pas de problème, t'en fais pas pour ça.
- Merci.
- Tout te tombe dessus en même temps on dirait …
- On dirait oui. Éludai-je. Mais je vais m'en sortir.
- Tu devrais commencer à accepter les pourboires que les gens te filent dans le métro. Plaisanta-t-il.
- Si j'ai un jour le temps d'y retourner ouais !
- Allez, tu sais ce qu'on dit : la roue tourne.
- Bah si cette foutue roue pouvait se dépêcher un peu, ça m'arrangerait ! Ricanai-je, amer.
- Tu sais quoi? Je sens que tu as besoin de souffler un peu … Alice et moi on part chez vos parents ce weekend. Viens, ça te ferai du bien de t'éloigner un peu de Seattle.
- Je sais pas trop, hésitai-je, j'ai beaucoup à faire mais c'est vrai qu'un petit weekend ne serait pas du luxe. Pourquoi y aller maintenant?
- Alice va parler de ses soucis à tes parents ça y est. Sourit-il.
- C'est vrai? Elle se lance enfin, c'est génial pour elle. Je sais que je n'ai pas toujours vu d'un très bon œil votre relation, mais tu lui fais un bien fou. Elle n'aurait jamais entrepris de faire ça par elle-même.
- A vrai dire, je n'y suis pour rien cette fois.
- C'est à dire?
Un petit sourire apparu au coin de ses lèvres avant qu'il ne me regarde à nouveau.
- Bella l'a convaincu.

Ce prénom était un coup de poignard permanent dans mon cœur. Mes muscles se contractèrent d'un seul coup et je savais que ces changements d'humeur étaient visibles sur mon visage. Jasper le remarquait aussi, sans pour autant perdre ce petit sourire narquois.

- Bon, j'y vais. Je vais être un retard.
Je me retournai pour partir, la main déjà sur la poignée.
- Elle a dîner avec nous hier soir. Elle n'a pas l'air en forme si tu veux mon avis. Continua Jasper.
Ma main se crispait sur la poignée.
- Et tu me dis ça pourquoi au juste? Demandai-je, sur la défensive.
- Pour rien, dit-il en haussant les épaules, je pensais que tu aimerais savoir que tu n'es pas la seule tête de mule dans l'histoire.
- J'ai pas le temps de jouer à ça Jasper. J'ai rendez-vous avec Julia, tu sais la fille qu'il y a encore pas si longtemps, tu voulais que je séduise !
- Tout le monde peut se tromper. Répondit-il simplement.

Son calme et son aplomb ne faisait qu'amplifier ma colère, déjà présente si tôt dans la journée. Je détournai les yeux et quittait rapidement l'appartement.

Arrivé en bas, je prenais une grande bouffée d'air en essayant de chasser de mon esprit le fait que Bella était peut-être aussi touchée que moi par la situation.

Vingt minutes de métro plus tard, j'arrivai dans les beaux quartiers de la ville, recherchant la rue que Julia m'avait indiquée la veille au téléphone. Je tournai pendant au moins un bon quart d'heure avant de trouver le bâtiment en question.

C'était en réalité une grande bâtisse, sur plusieurs niveaux qui ressemblait plus à un hôtel qu'à des appartements privatifs. J'étais accueilli par deux hommes en costume (droits comme des piquets) postés devant la grosse porte vitrée, bordée de dorures.

J'allais avancer jusqu'à eux quand j'arrêtai mes pas pour regarder mes pieds. Un tapis. Il y avait un tapis dehors. Avec mon vieux jean, ma chemise délavée et mon sac sur le dos, je commençai à me demander où est-ce que j'étais tombé.

- Bonjour, je cherche … Lançai-je à un des deux croque-morts devant la porte.
- L'interphone est sur le côté. Me coupa immédiatement celui-ci sans même me regarder.
- Heu … Ok. Balbutiai-je, légèrement déconcerté par son ton catégorique.

Je trouvai l'interphone en question et appuyai sur le bouton avec, il faut le dire, une certaine appréhension.

« Résidence Pierce j'écoute? », lança la voix d'une vieille femme à travers la machine.

- Bonjour, dis-je en me baissant inutilement au niveau des petits trous, je viens voir Julia. Elle doit m'attendre.
- Et qui dois-je annoncer à Mademoiselle Pierce? Lança la femme, maintenant hautaine.
- Oui pardon. Edward. Edward Cullen.
- 11ème étage. Ascenseur de droite. M'informait-elle avant de me raccrocher au nez.
- Merci vieille grue … Soufflai-je à l'interphone avant de tomber nez à nez avec le portier, pas très commode, qui me laissa entrer malgré tout.
Vu son air, encore plus hostile que tout à l'heure, il venait d'entendre ça.
- Merci. Lui lançai-je mal à l'aise.
Je pénétrai dans l'immeuble en essayant de ne pas me faire remarquer d'avantage.

L'ascenseur s'ouvrait immédiatement sur le salon du Penthouse dans lequel je me retrouvai catapulté. Tout était somptueux, du marbre recouvrant le sol, aux tapisseries qui recouvraient les murs. J'hésitai un instant à sortir de l'ascenseur de peur de salir les tapis ou casser les vases en porcelaine qui trônaient à la sortie de celui-ci. Finalement, après que les portes se soient refermées sur moi deux fois, j'avançai.

Cet appartement, au style New-yorkais prononcé (bien sûr côté Manhattan, pas Bronx) grouillait de personnel de maison, s'agitant dans tous les sens pour que cet endroit et ses habitants ne manquent de rien. Ils me remarquèrent à peine alors que, évidement, j'étais le seul à faire tâche ici. Heureusement pour moi, Julia vola vite à mon secours. Elle arriva rapidement vers moi avec un sourire étincelant sur le visage.

- Désolée, tu aurai dû m'appeler en bas je serai descendue t'accueillir.
- Ça aurait peut-être été plus judicieux vu les bulldozer en bas. Souris-je.
- De vrais chiens de garde, je sais … J'aurai dû te prévenir pardonne-moi.
- Tu vis vraiment ici ou c'est une couverture? Lançai-je en admirant encore les lieux.
- Ne soit pas bête, rit-elle, ce n'est que ma résidence secondaire ! Qui vivrait dans un tel taudis ?!
Je la dévisageai une seconde.
- Je plaisante Edward ! Décompresse ! Bien sûr que c'est chez moi. Chez mes parents en tout cas.
- C'est … J'ai une question !
- Je t'écoute. Sourit-elle.
- Comment fais-tu pour rester aussi … normale avec tout ça?
- Hum, elle réfléchissait une seconde, je dois être une fille super cool c'est sûrement pour ça !
- C'est ce que je commence à croire. Lui souris-je.

Un instant Julia resta muette devant moi, comme si elle m'observait attentivement et je la surpris à rougir légèrement. Ça aurait dû me mettre mal à l'aise, mais je trouvais ça plutôt flatteur à vrai dire.

- Alors et si on commençait? Lança-t-elle en détournant les yeux. Viens on va aller dans la bibliothèque, ça sera plus calme.
- La bibliothèque ! Lançai-je en la suivant. Chez moi quand on veut du calme, on s'enferme dans les toilettes.

Elle riait et poussait deux énormes portes en bois massif, me faisant ainsi entrer dans une immense pièce, haute de plafond, criblée de vieux ouvrages. Au fond, trônait un bureau tout aussi imposant que le reste de la pièce.

- Bien, par quoi veux tu commencer? Me demandait Julia en allumant une lampe sur le bureau.
- Je sais pas trop, lui répondis-je en découvrant toujours la pièce, les bases je suppose.
- Les bases … De deuxièmes années tu veux dire ?
- Pas vraiment, souris-je en posant mon sac sur le sol pour ensuite m'assoir en face d'elle, je veux dire les bases … Les plus basiques seront les meilleures.
Julia grimaçait.
- Tu passes ton partiel quand déjà?
- Jeudi.
- Hum … On a intérêt à se voir tous les jours jusque là dans ce cas.
- Tout ce que tu veux tant que j'obtiens ce A.
- Oh tu l'auras. M'assurait-elle. Il te suffit juste de me supporter pendant les quatre prochains jours pour ça !
- Café monsieur? Me proposait le majordome (au fort accent anglais) de la maison, une cafetière brûlante à la main.
- Ne t'inquiète pas, je devrais y arriver. Lui assurai-je en m'imaginant encore ce que ça devait faire de vivre comme ça tous les jours.

***

Les sessions révisions avec Julia se passaient à merveille. Avec elle, l'économie devenait moins barbant et surtout plus compréhensible. Elle illustrait tous les exemples abstraits du livre avec des dossiers ou des clients avec lesquels son père avait travaillé. Pas étonnant que Julia soit douée en économie, elle semblait vouer une sorte de culte à son père. Cet homme était en quelques sorte son héros alors que, d'après ce que j'avais pu comprendre, même s'il survenait très bien aux besoins de sa famille, il n'était que très rarement présent.

Julia avait grandi entourée de grands businessmen et, contrairement à ce que j'aurai pensé, son père ne l'encourageait pas du tout à suivre le même chemin que lui. Elle était libre de ses choix et n'avait aucune barrière financière qui l'empêchait de réussir. Je l'enviai un peu pour ça.

J'aurai aimé savoir ce que ça faisait d'être libre aussi.

Le soir suivant, nous nous étions retrouvé chez moi pour travailler. Julia, Jasper et moi avions dîné ensemble, avant que celui-ci ne parte retrouver Alice qui, bizarrement, avait décliné notre invitation à dîner.

Je devais admettre que passer du temps avec Julia était assez agréable. Elle était tellement éloignée de ma propre vie qu'en étant avec elle, j'avais l'impression de ne plus être le même. J'oubliai tous mes problèmes, mes angoisses, même la colère se dissolvait quand j'étais près d'elle. Je pouvais tout simplement être quelqu'un d'autre avec elle et j'étais maître de moi-même. En travaillant, je ne pensais à rien d'autre que l'économie. C'était peut-être une matière ennuyeuse, mais au moins ça avait le mérite de m'occuper l'esprit quelques heures.

- Bon je crois que ça sera tout pour ce soir. Même moi je commence à fatiguer. M'avoua Julia en rangeant ses affaires.
- Je suis un élève difficile? Tu peux le dire, je ne me vexerai pas … Souris-je.
- Non, je t'assure que tu es parfait. Tu comprends vite. A vrai dire je pensais que ça serait plus difficile que ça vu tes lacunes.
- Merci, je pense que je vais prendre ça comme un compliment… Sinon tu viens de me traiter d'idiot !
- Ça serait à peu près ça oui. Riait Julia qui mettait sa veste.
Le téléphone fixe se mit sonner.
- Tu veux que je te raccompagne? Lui proposai-je.
- Non, ça va aller. Je vais prendre un taxi. Tu ne réponds pas? Demanda-t-elle surprise et désignant le téléphone.
- J'ai un répondeur pour ça.
- Tu ne serais pas un peu asocial parfois? Plaisanta Julia.
- Mon dieu ! Me voilà démasqué. Surenchéris-je pour la faire rire, ce qui fonctionna à merveille.

Je riais moi aussi jusqu'à ce que le répondeur se déclenche et que j'entende sa voix à travers l'appareil. Immédiatement, j'arrêtai de rire, de nouveau immergé dans ma vie. Alors qu'elle parlait et qu'il me suffisait de décrocher le téléphone pour lui répondre, je me cramponnai à ma commode comme si mes jambes allaient céder d'un moment à l'autre.

- Bonsoir, c'est moi Bella

Sa voix était terne et triste. J'aurai aimé que ça me soit égal, mais ça n'était pas le cas.

- Je sais que je suis probablement la dernière personne à qui tu as envie de parler maintenant mais je m'inquiète pour toi.

Elle s'inquiétait? De quoi? D'avoir piétiné mon amour propre et toutes mes émotions au passage?

- Jasper m'a parlé de tes problèmes et je voulais simplement que tu saches que je suis là si tu veux en parler... Si tu veux parler de quoique se soit d'ailleurs.

Bien sûr, Jasper avait bavé sur le pauvre petit Edward qui essayait lamentablement de remettre sa vie sur les rails. Je n'avais pas besoin de leur pitié, même si leurs intentions étaient bonnes.

- Tu me manque. Je vis mal cette situation entre nous et j'aimerai arranger les choses, mais il faut que tu m'en laisse l'occasion, alors si tu es là s'il-te-plait décroche.

Une partie de moi voulait décrocher. L'autre avait trop mal pour ça.

De plus, alors que Bella m'implorait de lui répondre pour qu'on essai d'arranger les choses, je savais que Julia entendait tout derrière moi et qu'elle ne tarderait pas à me poser des questions auxquelles je ne voulais pas répondre.

- Bien … Je suppose que tu n'es pas là. Appelles-moi s'il-te-plait

Je tendais la main vers le combiné mais quand je l'effleurai, Bella venait de raccrocher.

- Ex petite-amie? Demanda doucement Julia derrière moi.
- Ça aurait été bien trop simple crois-moi. Lui répondis-je amer, sans lui faire face.
- Elle n'a pas l'air si méchante, pourquoi tu ne la rappelles pas?
- Justement parce qu'elle n'est ni méchante, ni moche, ni antipathique et que si je l'appelle, je retomberai dans le panneau. Répondis-je en faisant quelques pas vers elle.
- Cette fille a du te marquer au fer rouge pour que tu réagisses comme ça en parlant d'elle.
Julia passait doucement sa main sur mon bras et je suivais son geste du regard.
- Tu as des frissons, tu trembles. Soufflait-elle soucieuse. Ce message t'as électrisé des pieds à la tête...
- C'est l'effet qu'elle me fait. Avouai-je.
- Ça doit être bien de ressentir ça pour quelqu'un. Lança-t-elle rêveuse en relevant les yeux vers moi.

Un moment je ne dis rien, me contentant d'admirer ses yeux bleus clairs qui ne demandaient qu'à rêver de la même façon que la situation idyllique qu'elle décrivait. Je faisais glisser mon bras sous sa paume pour que nos deux mains se rencontrent. Julia avait la peau froide mais douce, comme une poupée de porcelaine. Un moment je regardai nos mains jointes et lui caressait doucement les doigts.

Cette fille était tellement innocente. Son cœur n'avait encore jamais souffert, il suffisait de la regarder pour le voir. Je l'enviai pour ça également. Il aurait été tellement facile de l'atteindre. Son cœur n'avait aucune défense, elle le portait droit devant elle pour que tout le monde le vois et que quelqu'un le prenne enfin. Une telle simplicité faisait rêver.

Doucement je la vis se rapprocher de moi. Je ne bougeais plus. Il suffirait que je tende légèrement le cou pour goûter à cette simplicité. Lentement, Julia se mit sur la pointe des pieds. Il suffirait que je tourne la tête vers elle pour lui donner ce qu'elle attendait : un simple baiser.

- Tu devrais rentrer chez toi. Soufflai-je sur ses lèvres en essayant de la brusquer le moins possible.

Julia stoppa tout mouvement et me regarda un instant comme si quelque chose venait de se briser à l'intérieur d'elle. Je ne supportai pas d'en être la cause. J'étais maintenant devenu, sa Bella …

J'avais inversé les rôles et je ne savais que trop bien ce que Julia pouvait ressentir à cet instant. La gêne, la honte et le rejet. Tout comme je l'avais expérimenté avec Bella le soir où j'avais essayé moi aussi de l'embrasser.

- Je suis vraiment désolée. Lança-t-elle en récupérant nerveusement son sac.
- Ne le soit pas. Ça viens pas de toi, je t'assure.
- Ouais, je sais, c'est toujours ce qu'on dit.
- Je t'assure Julia.
Je soupirai et avançait vers elle pour l'obliger à me regarder.
- J'ai simplement trop de problèmes et trop de colère en moi pour pouvoir te donner ce que tu attends de moi ce soir.
- Je crois que c'est justement ce qui me plait. M'avoua-t-elle, les joues rougissantes.

Malgré tout, elle parvenait à m'arracher un petit sourire. Je l'embrassais doucement sur la joue et lui tendais son sac.

- C'est déjà mieux que rien ! Lança Julia avec humour pour dissimuler le malaise qui s'était installé entre nous.
- On se voit demain. Lui souris-je.
- Ça marche. Me répondit-elle avant de se diriger vers la porte. Oh, une dernière chose …
Je relevais les yeux vers elle.
- A propos de cette fille, Bella … Avoir en permanence toutes ses affaires chez toi ne t'aidera pas à l'oublier.

Je regardai autour de moi et redécouvrais subitement tous ces objets qui lui appartenaient. Comment avais-je pu les occulter depuis plus d'une semaine. A cet instant, je ne voyais qu'eux dans la pièce. Comme si Bella était venu la veille. Quand je revenais à moi, Julia avait quitté l'appartement.

Lentement j'allai m'allonger sur mon lit et ramassai machinalement la première chose que je trouvai par terre. C'était un de mes sweat-shirt, un de ceux que Bella m'empruntait souvent le soir. Je le portai à mon visage, il sentait encore comme elle. Ce parfum acidulé avait toujours autant de pouvoir sur moi mais au delà de cette sensation, j'essayai de contrôler cette vague d'amertume qui tentait de m'envahir. A continuer ainsi, bientôt tous les souvenirs que j'avais de Bella me feraient souffrir. Je ne voulais pas en arriver là. J'avais aussi vécu de belles choses avec elle, pas autant que je l'aurai souhaité mais quand même.

Pour la première fois depuis une semaine, j'arrivai à occulter ce sentiment amoureux que j'éprouvai envers elle pour me souvenir de cette personne formidable qu'elle était. Cette lueur dans ma vie que je repoussais pour ne plus souffrir. Même si ma protection était nécessaire, tout avait un prix et je payais le mien …

Je savais que revenir vers elle serait facile, mais combien de temps aurai-je encore tenu ainsi, sans la posséder comme je le souhaitais, en m'imposant ses limites … L'oublier, aussi dur et dommage que ça l'était, était la chose la plus raisonnable à faire. Et n'était-ce pas justement Bella qui m'avait appris à rester raisonnable et pragmatique?

Après tout, aussi attirant que le feu pouvait l'être, qui voudrait se consumer entièrement et finir en cendre?

***

C'était le grand jour ! J'allais passer mon test d'économie et jouer mon année. Julia et moi avions révisé jusqu'à tard dans la nuit mais malgré ça, je n'étais pas fatigué. J'étais bien trop stressé pour ça. Je tournai et virai dans l'appartement depuis déjà plus d'une heure quand Jasper rentrait.

- Alors mon grand ! C'est le grand jour?! Lança-t-il enthousiaste. Comment tu te sens?
- Comment crois-tu que je me sente Jazz'?! Répondis-je au bord de la crise de nerf.
- Ne me mord pas ! J'ai rien dit. Rétorquait mon colocataire, les mains en l'air.
- Pardon, je suis un peu sur les nerfs.
- Je vois ça. Me sourit-il. Et les cents pas, c'est pour quoi?
- Je cherche désespérément mes clés de voiture. Elles ont disparu.
- Hum, hum … T'as regardé sur le comptoir de la cuisine? Genre, là où elles sont toujours !

Je me stoppai face à cette évidence, tellement certaine qu'elle en devenait risible, et marchais d'un pas assuré vers la cuisine, Jasper me suivant.

- On va au cinéma demain soir. Tu viens avec nous?
- Je ne pense pas … Lançai-je par dessus mon épaule.
- Sinon, commença-t-il alors que je vérifiai encore une fois que tout ce dont j'avais besoin était dans mon sac, puisque Jacob t'a complètement grillé avec Bella, tu ne devrais pas aller lui casser la gueule ?
J'arrêtai de m'agiter un instant pour lui faire face.
- Vu ton état, je ne vois que ça qui te soulagerai !
- De quoi tu parles?
- Bella nous a raconté comment ça s'était passé.
Je riais amèrement.
- Bien sûr qu'elle vous l'a dit, lançai-je en fermant énergiquement la fermeture éclair de mon sac, tu sais j'apprécierai que vous arrêtiez de parler de moi dans mon dos.
- Si ça te dérange montre-toi et défend-toi tout seul !
- Je suis censé capter un message subliminal là ? Parce que je pars dans une demi heure Jazz' et j'ai pas le temps de jouer aux devinettes.
- Ok, soyons francs alors. Tu n'es qu'un sale petit con.
- Merci de ta franchise, on passe à autre chose maintenant?
- J'ai pas fini. Bella essaye d'arranger les choses entre vous? Toi qu'est-ce que tu fais?
- Mais en quoi ça te regarde?! M'énervai-je.
- Ça me regarde parce que, que tu le veuilles ou non, personne ne croit sincèrement que tout est fini entre vous et franchement, je commence a en avoir marre de te voir tirer une gueule de cent pieds de long à chaque fois que je rentre chez moi !
- Il n'y a rien que je puisse faire pour toi. Tu veux que je déménage c'est ça? Jasper, Bella m'a …
J'essayai de me calmer pour ne pas partir au quart de tour.
- Elle m'a fait mal et malheureusement, rien de ce qu'elle pourra me dire ne me soulagera parce que ça sera jamais ce que je veux entendre. Alors excuse-moi d'avoir un peu de mal à gérer les choses !
- En attendant, Jacob regagne du terrain... Lança-t-il l'air de rien pour m'enrager.
- Comment ça?
- Il est en ville. On l'a vu hier soir et même si on peut dire que leur couple a un peu de mal à survivre en ce moment, il se la joue tendre et compréhensif avec Bella qui elle est tellement perdue qu'elle ne voit rien à son petit jeu et moi ça me gonfle.

En sentant la colère me submerger à nouveau, je me remettais à bouger frénétiquement à travers tout l'appartement. Je cherchai quelque chose, mais quoi? Impossible de le savoir. Je voulais juste que cette rage en moi arrête de bouillir. Je ne pouvais plus réfléchir posément dans cet état. Mais Jasper n'en avait pas fini avec moi. Il me suivait à la trace pour être sûr que j'entende bien tout ce qu'il avait à me dire.

- Dis-moi que tu ne veux pas te venger de ce trou du cul et je te laisse tranquille !
- D'accord, lançai-je en m'arrêtant un instant devant lui, je ne veux pas me venger de ce trou du cul !
- T'essaie de convaincre qui là? Toi ou moi?
- Écoute Jasper. Le stoppai-je sous peine d'exploser.
J'inspirai profondément pour parler le plus poliment possible.
- Tout ce que je veux pour l'instant c'est passer ce test. Ensuite, je partirai en weekend avec vous et peut-être que là je réfléchirai à tout ça mais pour le moment, je ne veux ni penser à Jacob et sa tactique pour récupérer sa copine, ni à Bella et sa culpabilité. C'est clair?!
- Bien, soupirait-il, vas-y part … Mais un jour il faudra bien que tu acceptes de gérer tout ça, parce que cette colère va finir par te bouffer.

Sans lui répondre, je prenais mon sac et quittai l'appartement.

***

Dans l'amphithéâtre, le tic-tac régulier de l'horloge résonnait déjà dans mes oreilles. Le test avait commencé il y a une heure et il m'en restait encore deux pour être libéré. Le professeur Grant n'arrêtait pas de faire les cents pas dans la pièce, farfouillant dans ses affaires ou mangeant des sucreries, on n'entendait que lui. Je n'entendais que lui et ces saletés de bonbons. J'avais envie de le tuer.

Comme les rares fois où j'avais essayé de réviser seul, je n'arrivai pas à me concentrer sur ma feuille. Rien à faire, sans Julia j'étais complètement hermétique à cette matière. Malgré tout, et vu ce que je risquai à jouer les têtes de mule cette fois, je tentai le tout pour le tout et laissai filer mon stylo sur le papier. J'essayai de ressortir le plus de connaissances possible, tout en restant dans le sujet. Je crois que jamais je ne m'étais donné autant de mal pour un partiel. Finalement, une fois l'impression d'être un abruti passée, j'arrivai à faire quelques pages que je jugeai cohérentes.

Après ça, les heures défilèrent très vite et je finissais sur le fil du rasoir quand le professeur tirait déjà sur le coin supérieur de ma copie. En le voyant s'éloigner avec, je ne pouvais n'empêcher de penser que mon destin était maintenant scellé. Je détestai avoir cette épée de Damoclès au dessus de la tête. J'essayai de me persuader que, quoiqu'il arrive, je m'étais donné à fond et que je n'avais aucun regret à avoir mais une partie de moi doutait toujours.

Je sortais en dernier de l'amphithéâtre avec un mal de tête pas possible. Ces deux dernières semaines avaient été plus qu'éprouvantes. Je rêvais d'aller me coucher pour enfin essayer de dormir convenablement.

- Alors jeune homme? Wallstreet est à vous? Lança Julia adossée au mur opposé.
- Je pense que ça attendra encore, lui répondis-je en avançant vers elle, qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu ne croyais quand même pas que j'allais oublier que c'était aujourd'hui ! J'ai travaillé aussi dur que toi pour ça. Avec ton esprit hermétique.
- C'est justement ce que je pensais en écrivant toutes ses conneries. Soupirai-je.
- Ne soit pas si dramatique !

Julia me prenait par le bras et m'entrainait avec elle dans les couloirs, quand moi je gardai les mains bien au chaud dans mes poches. Julia était du genre tactile, ça n'avait rien à voir avec une technique d'approche et à vrai dire je m'en fichais. J'avais été clair avec elle, je n'allais pas non plus installer un périmètre de sécurité entre nous. En plus de ça, son entrain et son optimise était contagieux.

- Bien, si tu le dis ! Nous verrons bien...
- On devrait fêter ça ce weekend !
- Je peux pas ce weekend je vais chez mes parents avec Jasper et ma sœur.
- D'accord, demain soir alors !
J'hésitai.
- Allez Edward, le plus dur est derrière toi ! Il faut qu'on réajuste ton taux de bière dans le sang ! Tu te sentiras mieux après … S'il-te-plait. Minaudait Julia.
- Ok … Soupirai-je. Faisons ça, c'est vrai que je suis un peu trop sobre ces derniers temps.

Elle riait et nous continuions notre route. Au moment de sortir dehors, Bella arrivait en face de nous, les bras chargés de livres. Quand nos regard se croisèrent, nous avions la même réaction : nous arrêtions simultanément de bouger. Deux statues figées dans le temps qui n'avaient que leurs yeux pour s'exprimer.

Julia fut surprise de ce changement si soudain d'attitude, mais quand elle vit mon visage reflétant celui de Bella plus loin, elle n'insista pas. Doucement, Julia libérait mon bras et je lui souriais comme pour la remercier d'être aussi observatrice.

- Je vais te laisser.
- Merci.
- On s'appelle pour demain soir.
- Je t'appellerai sans faute. Lui assurai-je.

Après ça, Julia parue plus rassurée et retrouva un sourire plus naturel.

De son côté, Bella, toujours immobile au milieu de ce flot continu d'étudiants se fit bousculer, renversant tous ses livres à ses pieds. Julia et moi nous retournions vers elle en même temps en entendant l'écho des livres sur le carrelage.

Bella eu un regard désolé et abattu. La honte se lisait sur son visage quand elle se baissait pour tout ramasser. Les gens autour d'elle la regardait sans lever le petit doigt pour l'aider. C'était lamentable. Comment pouvaient-ils être si insensibles. Tous des idiots. La colère montait de nouveau en moi mais cette fois, c'était une tout autre colère. Différente de celle qui me gâchait la vie depuis plusieurs jours. Similaire à celle que j'aurai imaginé ressentir avant devant un tel spectacle. Je ne comprenais simplement pas pourquoi j'étais le seul à vouloir la protéger.

L'abruti qui l'avait bousculé ne daignait même pas s'excuser et continuait son chemin, arrivant vers moi. Julia en profita pour s'éclipser quand elle me voyait contracter la mâchoire et serrer les poings à mesure que ce connard avançait jusqu'à moi, inconscient de l'erreur qu'il venait de commettre.

Quand il me frôlait, je l'arrêtai d'une main sur le torse et le repoussait en arrière.

- C'est quoi ton problème?! S'indignait ce pauvre type que je venais sortir violemment de son petit monde.
- C'est toi mon problème si tu veux tout savoir. Répondis-je l'air sombre.

Alors que le ton entre nous deux montait, tous les étudiants présents autour de nous ralentirent pour nous observer. Bella s'arrêtait net, toujours accroupie par terre, et nous observait également avec une certaine incompréhension dans le regard.

- Tu vas aller présenter tes excuses à la jeune fille là bas et vite. Crachai-je entre mes dents.
- Quoi? Quelle fille?

Il se retournait et n'eut qu'un regard méprisant pour Bella. Quand il me faisait face à nouveau, un sourire sadique étirait le coin de sa bouffe. Je lui aurai fais bouffer ses sales dents. Il s'approchait encore plus de moi, avec un regard menaçant, comme pour m'intimider.

- Elle? Si t'as un soucis avec ça, vas aider ta pouffiasse tout seul ! Elle avait qu'à dégager de mon chemin.
Un long rire amère m'échappait.
- Qu'est-ce qui te fait rire comme ça? Me demandait le pauvre con devant moi, légèrement suspicieux d'un seul coup.
- Toi. Répondis-je simplement. Merci.
- Merci?! Répéta-t-il.
- Merci de me donner l'occasion de faire ça …

Avant même qu'il ne puisse réagir, je l'avais saisi par les cheveux et envoyé valser sur le mur opposé. Quand il essayait de se relever en s'agrippant au rebord d'un distributeur d'eau, j'en profitai pour faire raisonner son crâne sur l'inox de la machine et celui-ci retombait par terre, légèrement étourdi. Je le ramassai par le col pour lui enfoncer mon point dans le nez quand …

- Edward, arrête ! Criait Bella, affolée derrière moi.

Tous les gens avaient les yeux rivés sur moi. Je me rendais compte de ce que je venais de faire et relâchais cet idiot qui retombait sur ses fesses.

- Pardon ! Pardon ! Lança-t-il à Bella avant de s'enfuir dans les couloirs.

Mes mains tremblaient encore et je sentais cette rage qui vibrait encore à l'intérieur de mes veines. Il fallait que je me calme …

Très vite les étudiants se dispersèrent et la vie reprenait son cours. Lentement, je me retournais vers Bella, toujours figée dans sa stupeur, ses livres étalés à ses pieds. Je me méprisais déjà de m'être ainsi donné en spectacle. La dernière chose que je voulais c'était que les gens soient témoins de mon côté sombre et encore moins Bella.

Je marchai jusqu'à elle et, sans un mot, je me baissais pour ramasser ses livres. Quand je lui rendais, sans la regarder, Bella attrapait ma main et je bloquai littéralement sur cette image. Mes doigts se refermèrent automatiquement autour des siens, telle une réaction inévitable inscrite dans mon ADN. Mon cœur s'accélérait, mon estomac se nouait. Je me faisais l'effet d'un drogué en manque, qui avait enfin trouvé sa dose d'héroïne.

- ça va? Souffla-t-elle, anxieusement.
J'hésitai toujours à la voir.
- Edward? Chuchota Bella, sa voix presque éteinte.

J'exerçai une dernière pression sur sa main avant de la relâcher, observant le mouvement de son bras tombant le long de son corps. Enfin je levai les yeux vers elle. Elle était pâle et inquiète, elle attendait une réaction de ma part, mais j'étais tellement loin de mon corps à cet instant, que je ne pu que reculer pour essayer de respirer à nouveau.

- Merci. Me dit-elle en serrant ses livres contre elle, visiblement déçue de la distance que je mettais entre nous.
- Il faut que j'y aille. Lui dis-je simplement avant de me détourner d'elle.

Avant de partir, je lisais cette tristesse dans ses yeux qui me fendait le cœur, mais j'étais incapable de faire quoique se soit d'autre.

***

Comme prévu, le lendemain soir je sortais fêter la fin de cette semaine chaotique en compagnie de Julia. Être près d'elle était rafraîchissant. Elle ne connaissait rien de ma vie, je ne connaissais rien de la sienne, nous apprécions simplement le moment présent.

Après avoir bu un verre dans un bar de la ville, nous avions décidé de marcher un peu jusqu'à ce que Julia trouve un taxi pour rentrer chez elle.

- Tu es content de rentrer chez tes parents?
Je haussais les épaules.
- Ça va me faire du bien de changer d'air. Répondis-je simplement.
- Tu suffoques tant que ça à Seattle? Sourit-elle.
- Parfois c'est l'impression que ça me donne oui.
Après ça je restai silencieux Julia se sentit obligée d'enchaîner.
- Alors? Tu vas te décider à me raconter comment s'est passer ton entrevue d'hier avec … Bella? C'est bien ça?
Je sursautai presque. C'était bizarre d'entendre ce prénom dans la bouche de Julia.
- Il n'y a rien à dire. Éludai-je.
- Tout le monde dit que tu as tabassé ce looser pour elle.
- Il m'avait poussé à bout.
- Hum hum … J'étais loin de m'imaginer que tu étais aussi chevaleresque. Plaisanta-t-elle en me donnant un léger coup de coude.
- Je suis loin de l'être … Je me suis laissé emporter c'est tout.
- Cette, Bella … Elle doit beaucoup compter pour toi.

Je ne répondais pas et elle comprenait qu'il valait mieux choisir un autre sujet de conversation. A quelques pas de nous, en face du vieux cinéma de quartier, nous apercevions un taxi. Julia partit en avant, faisant des signes au véhicule pour le réserver. C'était la sortie des séances et les gens commençaient à affluer autour des taxis garés à l'entrée.

Elle déposait ses affaires sur le siège arrière et relevait la tête vers moi pour me dire au revoir, la portière faisant barrière entre nous deux.

- Bon et bien … Passe un bon weekend alors. Souffla-t-elle.
- Merci, toi aussi.
Elle hésitait un instant avant de parler à nouveau.
- Pourquoi j'ai l'impression qu'on ne se reverra plus après ce soir?
- J'en sais rien, c'était pas mon intention en tout cas. Répondis-je sincèrement. J'aime passer du temps avec toi, ça me sort de mon quotidien …
- Je suis une distraction alors?
- Pour moi, c'est un compliment. Lui souri-je.

Julia eu encore cette réaction flatteuse à mon égard. A chaque fois que je lui souriais ainsi, elle rougissait et me regardait comme si je l'avais hypnotisé. Je connaissais ce regard.

C'est ainsi que j'avais l'habitude de regarder Bella.

[30/ 9 Crimes – Damien Rice]

- Je sais que je me répète peut-être, souffla Julia en me regardant droit dans les yeux, mais elle a beaucoup de chance d'être protégée ainsi.
- Je … Arrêtons de parler de ça d'accord. Finis-je par lui demander, telle une supplication.
- Pardon. Me répondit-elle simplement sans me quitter des yeux.

Puis je me surpris moi-même. En regardant Julia j'étais de nouveau le témoin de l'injustice de ce monde. Je me reconnaissais en elle qui recherchait désespérément l'affection d'une personne qui ne pourrait jamais la lui donner. Alors comme pour corriger ça, je posai mes lèvres sur les siennes. Je la sentis d'abord se raidir, surprise de mon geste, plus elle soupirait et l'air chaud qu'elle me renvoyait pénétrait dans ma bouche. Doucement j'entourai sa joue pour insuffler plus de chaleur et de compassion dans cet échange. Julia s'abandonnait complètement et tout ce que je souhaitais à cette instant, c'était la contenter. Peu importait que ça ne soit pas son visage que je voyais dans mon esprit... Que ça ne soit pas elle que j'embrassais ainsi.

Tout le monde devrait avoir le droit à sa part de bonheur.

***

[30/ 9 Crimes – Damien Rice]

POV BELLA

Quand notre petit groupe sortait du cinéma, l'air frais nous frappait le visage. Je réajustait mon blouson et écoutai, un peu en retrait, les réactions enthousiastes de tout le monde pour cette comédie que nous venions de voir. Ça m'avait au moins permis de ne plus penser pendant deux heures. Ce soir, je serai seule dans mon lit, Jake étant reparti dans la matinée, et j'appréhendai déjà l'insomnie qui me guettait.

Alice et Jasper disaient au revoir à Rosalie et Emmett, ils partaient à Forks pour le weekend, c'était bizarre d'être celle qui restait à Seattle pour une fois.

Une bourrasque de vent me balayait les cheveux et quand j'arrivai enfin à recouvrer la vue, j'apercevais ce que jamais je n'aurai voulu voir.

Edward, de l'autre côté de la rue, entrain d'embrasser cette fille avec qui je l'avais vu la veille. Une fille, simple, jolie, blonde …

Mon sang se glaçait littéralement à l'intérieur de mon corps et j'eus l'impression de me retrouver projetée cinq ans en arrière. Ce jour où …

- Il est au courant? Souffla Rosalie dans mon dos.

Je sursautais. Mon corps était secoué d'intenses frissons. Ma gorge me faisait mal tellement elle était serrée. Mes yeux commençaient déjà à me brûler même si je faisais des efforts surhumains pour ne pas me laisser envahir par tout ça.

- Non. Répondis-je doucement en les regardant toujours.

Puis l'évidence me sautait au yeux, me forçant à détourner les yeux de ce cauchemar que je revivais malgré tout. Toujours aussi vif dans mon esprit malgré les années.

- Comment es-tu au courant ? Demandai-je à Rosalie, effrayée par la réponse qu'elle pourrait me donner.
Rosalie se contenta de me sourire gentiment.
- Bella, je le sais depuis le premier soir où je t'ai vu arriver avec Edward au bar.
- Pourquoi tu n'as rien dit?
- Tu m'as semblé assez catégorique sur le sujet.
- Je n'en reviens pas que tu t'en souviennes… Soufflai-je en les regardant à nouveau.

Même si ce spectacle m'était insupportable, je ne pouvais m'empêcher de les regarder. C'était comme si une partie de ma vie se jouait sous mes yeux.

- C'était ma maison. Continuait Rose. C'est moi qui t'ai ouvert le portail le lendemain matin. Je me souviens encore de ton regard ce jour là, tu as fait taire la peste que j'étais à l'époque.
- Je ne m'en souviens pas.
- Tu n'avais pas l'air d'être là non plus. Bella, tu dois lui dire …
- Pourquoi? Pourquoi maintenant? Qu'est-ce que ça changerai? Répondis-je, ma voix ayant de plus en plus de mal à se faire entendre.
- Ça t'aiderai et je pense que …
Rosalie prenait un instant avant de continuer.
- Tout le monde a le droit d'affronter ses erreurs. Tu le fais bien toi.

Je méditai sa réponse alors qu'Edward s'en allait dans la direction opposée au taxi, dans lequel cette fille venait de s'engouffrer. Avant de me détourner à mon tour, j'effaçais du revers de ma main, cette larme que me trahissait.


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